Les prisons en Suisse

La Constitution suisse (art. 31 Cst.) comprend une disposition disant que « Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n’est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu’elle prescrit. » Différentes lois définissent les modalités de la privation de liberté : la détention policière et provisoire sont définies dans le code de procédure pénale ; l’exécution des peines et des mesures dans le code pénal, l’exécution de la détention administrative dans la loi sur les étrangers et leur intégration, et le placement à des fins d’assistance dans le code civil. Des dispositions règlent la détention et les peines militaires dans le droit militaire.

Le code pénal règle depuis longtemps les responsabilités en matière de construction et de fonctionnement des établissements nécessaires à l’exécution des peines et des mesures. En revanche, les principes régissant l’exécution des peines et des mesures à caractère privatif de liberté n’ont été introduits dans le CP qu’en 2007. Les autres établissements nécessaires à l’exécution de la détention sont gérés directement par les cantons.

Le fort fédéralisme dans le domaine de la justice et de la prison empêche depuis toujours l’harmonisation des règles et des pratiques en matière de privation de liberté en Suisse, ce qui conduit régulièrement à de l’insécurité juridique, du localisme et un traitement inégal.

En Europe, la Suisse a connu pendant des dizaines d’années des taux d’occupation et de détenus passablement bas. Durant les dernières vingt années le taux d’occupation a augmenté, mais le taux de détention reste stable avec 80 détenus pour 100'000 habitants. Parallèlement, un grand nombre de pays du Conseil de l’Europe ont réussi à baisser leur taux de détention, ce qui a eu pour conséquence que la Suisse occupe aujourd’hui une position médiane.

A des fins de comparaison on trouvera ci-après les données collectées par le World Prison Brief ; il s’agit d’une part des pays voisins, d’autre part de pays d’un intérêt particulier pour the international prison photo project.

Tableau : Taux d’occupation et de détention de certains pays européens

Etat Taux d'occupation* Taux de détention**
Suisse 94% 81
Allemagne 86% 77
France 117% 106
Italie 120% 101
Autriche 93% 98
Portugal 99% 126
Ecosse 93% 152
Suède 93% 59
Slovaquie 92% 193
Serbie 109% 154
Etats-Unis 104% 655

*Taux d’occupation basé sur les indications officielles de capacité.
**Taux de détenus calculé comme le rapport entre le  nombre de détenus et la population résidente, exprimé pour 100'000 habitants.
Source : Prison Population List (données de 2019), Institute for Criminal Policy Research (ICPR). www.prisonstudies.org

Le paysage pénitentiaire suisse

1 Prisons

La petite taille de la Suisse et son identité fortement ancrée dans le fédéralisme ont conduit à ce que tous les cantons disposent non seulement d’une prison multifonctionnelle, mais aussi pour beaucoup de plusieurs prisons régionales ou de district. Elles servent à la détention provisoire, à l’exécution des courtes peines privatives de liberté ou des peines de substitution, parfois à l’application de la détention en vue d’une expulsion. Ces lieux doivent veiller à détenir de manière séparée les adultes et les mineurs, les hommes et les femmes, ce qui augmente fortement leur compartimentage.
Ces établissements disposent actuellement d’environ 3600 places.

2 Etablissements ouverts

Particularité du système suisse de privation de liberté, les établissements ouverts exis­tent depuis plus de cent ans – en fait, ils sont aujourd’hui plutôt de type semi-fermés. Ils exploitent les plus grandes fermes, ce qui signifie que la majorité des détenus travaille dans les champs ou sont occupés à l’élevage de bétail. Ces dernières années, les habitations ont généralement été rénovées en profondeur ou reconstruites entièrement. Ces établissements disposent actuellement d’environ 800 places.

3 Etablissements fermés

Ces établissements rassemblent des types de bâtiments très divers, d’une part des bâtiments hérités du 19e ou du début du 20e siècle, basés sur un plan au sol en étoile, construits sur 3 ou 4 étages, comme la Justizvollzugsanstalt de Lenzburg ou les Etablissements de la plaine de l’Orbe. D’autre part il existe des institutions plus modernes comme les Justizvollzugsanstalten de Bostadel (ZG) ou de Pöschwies (ZH). Très récemment, d’autres établissements fermés sont venus s’y ajouter dans quelques cantons, comme à Genève et Soleure.
Ces établissements disposent actuellement d’environ 2000 places.

4 Centres d’exécution des mesures

Ces centres de moyenne sécurité servent à la détention de personnes condamnées présentant des troubles psychiques ou des dépendances à l’alcool ou aux stupéfiants qui doivent suivre une thérapie. En Suisse, on compte actuellement six institutions de cette catégorie, la plus grande et la plus récente étant celle de Curabilis, à Genève.
Ces centres disposent actuellement de quelques 450 places.

5 Prisons d’expulsion

Des prisons spécialisées dans l’expulsion des étrangers indésirables sont une suite de l’adoption, dans la loi sur les étrangers, en 1995, de dispositions relatives à la détention en vue d’une expulsion. Dès le milieu des années 1990, certains lieux de déten­tion sont convertis ou construits à cette fin, ainsi à Zurich, au Valais ou encore à Genève. Les autres cantons se contentent de quelques cellules ou d’une unité pour ce type de détention. En principe, le régime devrait y être plus communau­taire et ouvert, ce qui n’a pas toujours été le cas ces dernières années.
En 2019, environ 350 places de détention ont été utilisées pour cette forme de détention.

6 Autres établissements

Dans plusieurs cantons, on utilise des foyers pour adultes – établis comme association ou fondation – pour y organiser les modalités de la semi-détention ou du travail et logement externes. Il existe une douzaine de ces institutions qui sont généralement de petite taille.

De plus, de grands hôpitaux psychiatriques avec des sections fermées pour adultes et plus rarement pour mineurs, servent à l’exécution de mesures. On peut encore mentionner les lieux de détention dans les casernes.

7 Total des établissements pour adultes

Selon l’Office fédéral de la statistique, on comptait en Suisse début 2019 près de 7400 places de détention.